La plasturgie et les équipements sportifs
Que l’on parle des prochains JO 2024 qui se tiendront à Paris ou prochainement, de la Coupe du Monde 2023 de rugby qui aura également lieu en France, le sport mobilise plus que jamais toutes les énergies et tient désormais une place à part dans notre pays et dans le quotidien de millions de français. Qu’on le pratique, qu’on le regarde, le sport n’a de cesse de se transformer, d’évoluer et de se nourrir des nombreuses innovations qui s’offrent à lui. Faisons un tour d’horizon d’un secteur en pleine forme.

France : 7 années de croissance consécutives

En 2016, la France se plaçait en seconde position sur le marché européen, avec 11 milliards d’euros, derrière l’Allemagne et ses 14 milliards d’euros. Les premiers chiffres de l’étude publiée en mars 2018 par l’Union Sport & Cycle l’attestent. Le marché du commerce d’articles de sport en France a connu une hausse de 3 % en 2017.
Une telle croissance est aujourd’hui permise par un marché global des équipements de sport particulièrement dynamique et qui devrait atteindre, selon une étude prospective réalisée par la Direction générale des entreprises, une valeur d’environ 81 milliard d’euros en 2019 avec un taux de croissance annuel moyen de +2,8 % sur la période 2014 – 2019. Ce fort développement s’explique notamment par l’émergence de nouveaux marchés particulièrement actifs à l’image de la région asie-pacifique qui devrait continuer à tirer le marché vers le haut (+4,6 % de croissance moyenne annuelle sur la période 2014 -2015) avec des pays comme la chine dont le marché enregistre une croissance annuelle moyenne de +6, 1% ou l’Inde avec un taux de croissance de de +7,6%2 . Autant de nouvelles perspectives qui séduisent chaque jour de grands acteurs du sport, à l’image de Décathlon qui a ouvert une cinquantaine d’établissements en Chine l’année dernière – soit 214 magasins au total – et dont les boutiques chinoises devraient réaliser à terme 25% du chiffre d’affaire global de la marque d’ici 2020, selon Bertrand Tison, directeur du développement en Chine.
La tendance est également à la concentration des grands acteurs. Le fabricant et distributeur français d'équipements de sports et de loisirs Abeo a annoncé au mois de février 2018 l'acquisition de Bosan NV (chiffre d'affaires d'environ 11 millions d’euros), une entreprise du même secteur basée aux Pays-Bas. Il en est de même pour Finish Line Inc., qui, après des mois de spéculation sur son avenir a été racheté par le géant européen JD Sports Fashion PLC pour 558 millions de dollars.
Tendances du marché Français des équipements sportifs

Que ce soit à domicile, en salle ou en extérieur, 35%3 W des Français de 18 à 70 ans ont pratiqué au moins une fois une activité de fitness, danse ou sport de combat au cours des 12 derniers mois.
Ce sont donc 14,9 millions de Français, et principalement des femmes (64%), qui se sont adonné(e)s à au moins une fois à l’une de ces activités physiques. Les Français sont 12,7 millions à pratiquer le fitness, 4 millions font de la danse et 1,8 million ont adopté les sports de combat.
Si 41% de ces Français exercent ces activités à la maison, ils sont malgré tout une grande majorité (68%) à se rendre dans un club, où ils dépensent en moyenne 32 € par mois d’abonnement.
Cet engouement bénéficie aussi au commerce puisque 79% de ces sportifs ont connu une expérience d’achat au cours des 12 derniers mois : 56% concernent le textile, 51% les chaussures et 25% le petit équipement matériel.
L’arrivée en force de la génération Y, et à terme de la génération Z, sur le marché des équipements sportifs, tant à l’échelle française que globale, amorce un changement des pratiques sportives, aussi bien du point de vue démographique que technologique.
La tendance à l’allègement des équipements sportifs
Les équipements sportifs légers, voire dans certains cas ultralégers, ont bénéficié d’une présence plus marquée sur les marchés européen et français dès le
début des années 2000. Ils se sont depuis constitués en éléments incontournables de segmentation des produits, mais également comme un outil de différenciation pour les industriels.
L’allégement des équipements sportifs répond avant tout à une exigence de confort pour le matériel porté à même le corps et les accessoires (chaussures, gourdes, casques, protections…), et de performance (cyclisme, sports de raquette, sports de glisse…). Le besoin en matériaux plus légers et toujours plus résistants a donné naissance à un phénomène de substitution des polymères aux métaux. Les fabricants souhaitent en général obtenir des propriétés comparables, sinon équivalentes, à celles des métaux, et se tournent en conséquence vers des matériaux techniques, notamment lorsqu’ils souhaitent produire des équipements haute-performance.
Le choix des matériaux, même lorsqu’il est motivé par une volonté d’allègement, doit prendre en compte la problématique du prix d’achat. Les consommateurs recherchant des équipements basse et moyenne
gammes auront tendance à sélectionner des équipements en plastique simple, tandis que les sportifs de haut niveau sélectionneront du matériel réalisé à partir de composites.
Il faut toutefois noter que la tendance à l’allègement tend à se démocratiser. Les consommateurs ne porteront plus leurs choix sur des équipements lourds. On assiste donc à une plus grande utilisation des matériaux polymères sur l’ensemble des gammes. Si les composites jouissent d’une bonne image auprès du public, qui les perçoit comme techniques et performants, les matériaux plastiques peuvent quant à eux paraître de moins bonne qualité par rapport aux métaux. Cela encourage les fabricants à choisir leurs matériaux en fonction des propriétés esthétiques qu’ils peuvent offrir, en plus de leur légèreté.
L'E-Sport s'impose et conquiert le monde
La deuxième grande tendance à mettre en exergue dans le domaine du sport est l’arrivée par la porte de derrière du petit dernier de la famille, mouton noir au sein de ses semblables et avec un potentiel économique gigantesque, l’E-sport. Cette discipline, qui est la « pratique compétitive de jeux vidéo », est actuellement un phénomène en pleine expansion. Les sports électroniques de compétition « pourraient être considérés comme une activité sportive », selon le Comité international olympique (CIO).
Tony Estanguet, président du Comité d'organisation Paris 2024, s'est dit ouvert à l'inclusion de l'E-sport dans les compétitions olympiques. Une reconnaissance déjà actée par Pékin, qui intégrera cette discipline dans les Jeux asiatiques d'hiver de 2022. L’E-sport est régulé non seulement par une fédération internationale mais également par une fédération française. Au niveau mondial, le marché des compétitions de jeux vidéo devrait dépasser le milliard de dollars dès 2019, selon l'institut d'études spécialisé Newzoo.
Data, intelligence artificielle, paris en ligne, coaching… Les start-ups se positionnent sur ce marché émergent prometteur. En France, l'E-sport aurait déjà séduit 1,6 million de spectateurs en 2017 et engrangé environ 20 millions d'euros de revenus. Les recettes en Europe atteindront 345 millions de dollars en 2018, selon une étude de SuperDataResearch pour PayPal.
En effet, une enquête réalisée dans seize pays en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et au Moyen-Orient a démontré l’engouement des consommateurs pour l’E-sport. En 2015, 53,7% des gamers en avaient entendu parler. Ils étaient 65,7% début 2016. Ce gain de popularité s’explique par la multiplication des évènements télévisés, qui ouvrent une fenêtre sur un marché mondial de 747 millions de dollars US et devrait bénéficier d'une croissance de 150% d'ici à 2018. Cette nouvelle poule aux oeufs d’or intéresse de plus en plus les OEM.
Pour les plasturgistes évoluant uniquement sur le marché des équipements sportifs et non dans celui de l’électronique en parallèle, cette information peut paraître sans importance. Il faut pourtant se tenir au courant des évolutions de l’E-Sport, car l’arrivée de la réalité virtuelle et des simulations dans un futur plus ou moins proche n’est absolument pas à exclure. Cela signifierait la multiplication des ordinateurs comme interfaces principales et donc l’apparition de nouvelles formes de sports plus proches de la définition traditionnelle comme la déclinaison de certains équipements sportifs en version électronique.
La connectivité ou sport 2.0
S’ils ne sont pas destinés à tout le monde et qu’ils s’adressent en majorité aux professionnels
et aux sportifs réguliers, les objets connectés pour le sport permettent d’avoir accès à des informations extrêmement pointues auxquelles nous ne pourrions pas accéder lors d’un entraînement lambda. Parmi eux, les podomètres et les ceintures connectés. Ils peuvent offrir des données telles que les pulsations du coureur, la distance parcourue ou encore les calories brûlées durant la course.
Dans un monde toujours plus connecté, les achats se digitalisent. En 2017, 36 millions
de Français ont acheté sur internet. Parmi ceux-ci, 16 % choisissent de le faire depuis leur mobile. La part du sport sur ce marché équivaut à 12 %.
Le recours à la connectivité est déjà très répandu puisque 56% des fitnesseurs utilisent au moins un objet connecté au cours des séances, notamment le smartphone pour 35% d’entre eux. Viennent ensuite les lecteurs MP3 (18%) et les montres connectées (9%).
L’usage d’applications est entré dans les habitudes de 56% de ces sportifs, principalement ceux qui font des sports de combat (69%) afin de mesurer leurs performances (40%) ou de suivre un programme d’entrainement (22%). La société Sport Quantum a par exemple mis au point une technologie permettant de mesurer numériquement le tir en temps réel, qu’elle a présenté au Consumer Electronics Show de Las Vegas du 9 au 12 janvier 2018. Finis les cartons en papier : la cible devient numérique et le tir se mesure grâce à la localisation de l’impact sur une une vitre en polycarbonate placée devant cette dernière, avec une précision inférieure au 1/10 de point. Les données de chaque impact sont envoyées en temps réel sur un appareil portable – smartphone ou tablette – et permettent au sportif de suivre ses performances.
PIQ et Rossignol ont de leur côté annoncé en 2017 une première mondiale. Les deux entreprises françaises partenaires ont présenté pendant l’ISPO 2017 de Munich le premier ski connecté. Le capteur PIQ Robot qui était précédemment installé sur les chaussures du skieur est maintenant directement intégré aux skis Hero Master de Rossignol. Un écran à LED sur la spatule fournit directement des indications à l’utilisateur. Le capteur mesure en temps réel la vitesse du skieur, l’angle des virages et l’explosivité de ce dernier.
Féminisation des pratiques sportives
Une des tendances les plus marquantes du marché des sports que l’on peut actuellement observer quelles que soient les pratiques est celle de la féminisation. Ce marché a été quasiment hermétique aux tentatives de percée des femmes pendant des décennies. Le fait que ces dernières représentent plus de la moitié de la population – et donc du marché – a fini par faire sauter progressivement les verrous un à un. En 2010, 87% des femmes déclarent avoir fait du sport au moins une fois dans l’année, contre 91% des hommes. Le développement et la médiatisation accrue du sport féminin de haut-niveau a sans aucun doute encouragé une féminisation des pratiques sportives, et ce dans l’ensemble des disciplines. Dans le cadre de cette dynamique et du marketing genré, de nombreuses grandes marques commencent à produire des campagnes publicitaires dirigées à l’attention de leurs clientes.
On peut citer notamment la publicité féminine d’Adidas et Nike (« #All for my girls » et « Unstoppable with #mygirls » pour Adidas, « Better for it » pour Nike), ainsi que l’ouverture de magasins exclusivement à l’attention des femmes . Adidas dispose également d’une gamme féminine : l’entreprise a fait appel à la créatrice Stella McCartney pour lancer une marque mi-sport, mi-design, qui a même défilé lors de la fashion feek. Les joggings n’avaient jamais foulé les catwalks auparavant.
La féminisation du sport n’a pas qu’un simple impact commercial. La physionomie féminine, différente de celles des hommes pour qui la plupart des équipements sportifs ont jusqu’ici été pensés, a poussé les fabricants à repenser leurs modèles, tant en termes d’allègement que de taille. Par exemple, si Rossignol a bel et bien sorti une gamme de skis féminins dans les tons roses, il les a également allégés afin d’assurer plus de confort et de maniabilité à leurs utilisatrices.
La plasturgie au service du sport
De l’équipement pour champions à la chaussure de ski ordinaire, les matériaux utilisés pour la pratique des sports d’hiver sont issus de procédés de pointe.
La technologie qui se cache derrière les matériaux à la base des équipements sportifs a considérablement évolué depuis la popularisation des sports d’hiver. Les bâtons étaient alors fabriqués en composites chargés fibres de verre et les chaussures en plastique rigide, à la fois lourd et peu résistant.
Aujourd’hui, ces matériaux dépassés ont été remplacés par des composites et thermoplastiques sophistiqués. Solvay par exemple est souvent à l’avant-garde des technologies dont sont issues ces molécules, comme par exemple ses composites en fibres de carbone testés sur des équipements ultra performants tels que les voitures de course, les yachts et les bobsleighs.
Lors de la prochaine coupe du monde de football se tenant en juin prochain en Russie, le ballon sera fabriqué avec du plastique biosourcé. Le Keltan Eco 6950 d’Arlanxeo, un EPDM élaboré à partir d’éthylène issu de canne à sucre avec un contenu biosourcé pouvant varier entre 50 et 70 %, a été intégré à la couche supérieure du ballon pour ses caractéristiques optimales d’élasticité, de résilience, de densité, de dureté et de poids.
Adidas de son côté s’était associé en 2016 à l’organisme Parley for the Oceans, qui lutte contre la pollution océanique, pour créer des maillots de foot fabriqués à 100% à partir de déchets en plastique récupérés au large des Maldives, dans l’Océan indien.
La fabrication additive s’invite également aujourd’hui dans le secteur du sport avec l’adoption d’équipements innovants permettant de repousser les records actuels. Nate Petre, doctorant à l'Imperial college de Londres passionné de surf, a fabriqué en 2017 la toute première planche de surf imprimée en 3D recyclable, biodégradable. Le matériau qu’il a utilisé pour la fabrication de cette planche est dérivé d'une algue qui se propage dans certains lacs américains et qui tue toute forme de vie. Le scientifique s’est associé à une entreprise qui a réussi à transformer cette algue en encre d'impression 3D. L'autre composant est dérivé des bouteilles en plastique.
Martin Fourcade par exemple, qui a remporté cinq fois les épreuves de biathlon des Jeux olympiques d’hiver, a par exemple gagné sa dernière médaille à l’aide d’un fusil imprimé en 3D. Ce dernier a été développé par Athletics 3D et prototypé sur une imprimante Zortrax.
L’entreprise Salomon a de son côté fait appel à son imprimante 3D professionnelle 3D Dimension 1200es basée sur la technologie FDM pour confectionner des prototypes rapides de semelles pour des chaussures de randonnée et de course à pied. Selon son ingénieur CAO, Emilien Arbez, l’imprimante 3D permet de réduire avec succès les coûts et d’accélérer la livraison des prototypes. Il a pu les tester facilement par rapport à leur forme et leurs dimensions. « Un niveau maximum de précision est requis pour respecter les exigences en matière d’adhérence » précise-t-il.
Dans la même lignée que cet exploit, la fédération française de Cyclisme (FFC) s’est elle aussi intéressée de plus près à l’impression 3D et fournissait sept guidons personnalisés à sept de ses coureurs pour les jeux olympiques de 2016 à Rio. L’impression 3D sert également le handisport. Les athlètes invalides semblent eux aussi avoir vu, en l’espace de quelques années, s’ouvrir le champ des possibles grâce à la personnalisation de leurs prothèses et de leur équipement à moindres coûts.
C’est une réelle course à l’innovation qui prend d’ailleurs place dans le monde du handisport avec la possibilité dorénavant de modéliser les corps des athlètes en 3D et de créer des équipements parfaitement adaptés à leurs handicaps. Suscitant de plus en plus l’intérêt des fabricants de matériel handisport, on a pu voir aux jeux paralympiques de Rio de septembre 2016 des fauteuils roulants ultralégers ou des prothèses créées à partir des technologies 3D.
Conclusion
Le sport n’est encore qu’au début d’une révolution qui se voudra mondiale, comme l’a suggéré, M. Gou Zhongwen, l’administrateur général des sports en Chine en affirmant qu’il comptait bien faire passer le sport de 0,7 à 1% du PIB du pays d’ici 2020. Quant aux futurs grands évènements comme la Coupe du Monde 2018 de football en Russie ou les JO 2024 à Paris, ils feront émerger nombres d’opportunités pour tous les acteurs du sport d’aujourd’hui et de demain afin de transformer notre vision et nos pratiques. En définitive, le marché des articles de sport est stratégique, avec de nouvelles applications qui restent encore à trouver à condition de concevoir les solutions appropriées.
Sources :
- Etude Statista – 2017
- Etudes économiques prospective - Enjeux et perspectives des industries du sport en France et à l’international – 2016
- Union Sport et Cycle / Ipsos « le fitness, une pratique en vogue » février 2018 enquête «Pratiques physiques et sportives en France 2010», CNDS/Direction des Sports, INSEP, MEOS
- http://www.marketing-chine.com/chine/le-marketing-dusport-en-chine-les-dernieres-tendances-2016